Q4 – D'un point de vue purement technique, le démantèlement de réacteurs arrêtés dans certains cas depuis plus d'une décennie peut-il attendre, et si oui avec quelles mesures de sûreté ?

Résumé – Les réacteurs à uranium naturel graphite gaz (UNGG) sont en cours de démantèlement par EDF. Le changement de technique de démantèlement du caisson réacteur, qui concentre la radioactivité restante, a conduit EDF à proposer une modification du calendrier de démantèlement. Si la légitimité du changement de technique n’est pas discutée, le décalage du démantèlement induit soulève des questions de sûreté. EDF assure que la mise en configuration sécurisée des caissons les rendra robustes aux aléas extérieurs pour toute la durée du démantèlement (plusieurs décennies), mais l’IRSN note que ceci doit faire l’objet d’analyses complémentaires. Une expertise s’appuyant sur les éléments nouveaux fournis par EDF est en cours.

Introduction

Les réacteurs à uranium naturel graphite gaz (UNGG), construits dans les années 1960, aujourd’hui tous à l’arrêt et en cours de démantèlement, sont les premiers réacteurs nucléaires électrogènes français.

La difficulté du démantèlement des réacteurs UNGG, plus particulièrement du caisson de ces réacteurs, est reconnue. Les réacteurs UNGG se distinguent de ce point de vue de leurs successeurs, les réacteurs à eau pressurisée (REP). Ces derniers constituent l’intégralité du parc nucléaire français en fonctionnement, et leur démantèlement apparaît aujourd’hui faisable dans des délais maîtrisés et avec des techniques éprouvées. Par exemple, le démantèlement du réacteur à eau sous pression Chooz A d’EDF, situé dans les Ardennes, avance sans difficulté majeure. À l’inverse, il y a peu de retours d’expérience sur les réacteurs UNGG et le démantèlement des empilements de graphite qu’ils contiennent présente des difficultés techniques.

Le démantèlement des réacteurs UNGG hors caisson a commencé et se poursuivra sur les quinze prochaines années. À l’issue de ces travaux, tout aura été déconstruit à part le caisson réacteur contenant les empilements de graphite. Si les réacteurs sont vidés de leur combustible il reste malgré tout des radionucléides dans les structures et dans les empilements de graphites qui ont été activés par la réaction de fission.

Stratégie d’EDF

Pour le démantèlement du caisson réacteur, EDF avait initialement envisagé une stratégie de démantèlement consistant à le remplir d’eau. Devant les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de cette première stratégie, EDF envisage maintenant un démantèlement sous air.

Le calendrier de démantèlement a été profondément modifié à l’occasion de ce changement de stratégie. En effet, EDF prévoit de démanteler un premier réacteur (Chinon A2) à partir de 2030 et pour une durée de trente ans, puis de démanteler les suivants en exploitant les retours d’expérience du premier démantèlement. Ainsi, le démantèlement de ces caissons réacteurs aura lieu près d’un siècle après leur mise en service.

Le choix d’EDF de proposer finalement un démantèlement sous air pour tous ses réacteurs UNGG n’est pas mis en cause. Mais la stratégie globale retenue, notamment le séquencement des démantèlements et les calendriers associés, soulève des questions de sûreté qui sont en cours d’analyse. Pour l’IRSN, le maintien dans un état sûr d’un caisson réacteur sur d’aussi longues périodes soulève de réels enjeux techniques. De plus, il convient d’examiner les implications de cette nouvelle stratégie sur la gestion des déchets de graphite.

Sûreté des réacteurs UNGG à l’arrêt

À l’issue de la première phase de démantèlement, les caissons réacteurs doivent être mis dans une configuration sécurisée.

EDF assure que l’étanchéité des caissons est garantie en cas d’inondation, que le bon état des structures et leur résistance aux séismes sont validés par des inspections et que des activités de surveillance sont réalisées et seront maintenues jusqu’à la fin du démantèlement.

L’IRSN considère que les premiers éléments apportés par EDF ne lui permettent pas de partager pour le moment ces conclusions. En particulier, l’IRSN note que les examens de sûreté sur lesquels s’appuie EDF ont été réalisés avec l’hypothèse d’un démantèlement à moyen terme, issu de l’ancienne stratégie, et donc sont à ce stade insuffisants pour conclure. De nouveaux éléments ont été fournis par EDF, à la suite d’une demande de l’ASN. L’ensemble des éléments transmis par EDF est aujourd’hui soumis à une expertise de l’IRSN qui s’achèvera en 2019.

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